Le Capitalisme sans Capital

J’ai récemment entendu un commentaire d’auditeur à la radio disant quelque chose comme : « Le capitalisme sans capital c’est un scandale car c’est la financiarisation de l’économie »… Les media laissent véhiculer des messages semblables sans les commenter. On évoque les « fakes news » sur les réseaux sociaux. Mais pas dans les médias traditionnels !

La financiarisation de l’économie est une chose, le capitalisme sans capital en est une autre !

Je recommande le livre de Jonathan Haskel et Stian Westlake. Deux économistes anglais traitant de façon extrêmement pertinente du « Capitalisme sans capital » (tel est le titre de leur livre).

Le capitalisme sans capital, c’est l’investissement immatériel en R et D, développements de logiciels, marketing, structures et process que l’on ne voit pas dans les bilans. Je cite les auteurs : « Des actifs incorporels fondés sur le savoir… scalables… diffusables, en synergie avec d’autres intangibles et avec des coûts irrécupérables ». Starbucks est un bel exemple d’investissement intangible : son marketing, son mode opératoire diffusé à l’échelle de la planète ; et sa redoutable efficacité.

Le capitalisme sans capital se trouve notamment dans la création d’une marque avec tous ses supports, la création de structures dédiées au développement de l’entreprise, la rédaction de process et leur mise en application. Pas que dans le digital… On ne le retrouve pas dans les bilans car il s’agit de dépenses. En France, comme ailleurs (je rappelle que nos auteurs sont Anglais). Plus que jamais, il participe à l’accélération du développement de l’entreprise.

A ne pas confondre avec des intangibles achetés par l’entreprise, du type brevet ou progiciel. On les trouve au bilan, dans les amortissements.

Dans ma précédente entreprise, il nous fallait investir en structures commerciales. Je me rappelle d’un Directeur Général d’une filiale régionale de grande banque me dire : « on ne finance pas les déficits !». Pas d’emprunts pour ce type d’investissements, qu’il ne considérait pas comme tel. Il fallait avoir les fonds propres suffisants pour financer ce déploiement commercial. Donc, du capital. Soit on en dispose personnellement, soit on le dilue en faisant entrer de nouveaux actionnaires… Voilà un obstacle fort pour la réussite du développement des start-up…

Les auteurs constatent que l’investissement matériel tend à se stabiliser, alors que l’immatériel s’accélère. Ce dernier, s’il n’apparait pas dans le bilan, se constate dans les cessions d’entreprises à travers le goodwill (survaleur). C’est la valorisation de l’entreprise, constatée dans la transaction de cession, supérieure à la valeur nette comptable… Or, le goodwill peut s’amortir. L’immatériel s’amortit à la cession de l’entreprise, mais pas avant ! Etonnant, n’est-ce pas ?

Certes, la financiarisation de l’économie ressemble à un gigantesque casino du fait des investissements spéculatifs. Mais, en bourse, les analystes ne disposent d’aucun moyen formel pour évaluer les investissements immatériels ; alors qu’ils sont stratégiques orientés moyen terme, et deviennent majeurs dans le développement.

Bien entendu, il est compliqué d’en estimer la valeur d’autant que parfois ceux réalisés par une entreprise sont susceptibles de profiter à d’autres… Ils peuvent aussi n’avoir de valeur que dans un contexte unique, et ne plus rien valoir sorti de celui-ci.

Je ne partage pas le point de vue des auteurs lorsqu’ils évoquent le fait que le financement par l’emprunt soit moins adéquat pour les entreprises ayant plus d’actifs irrécupérables. Selon moi, le recours au capital est dilutif et pénalise ainsi les fondateurs.

Bonne nouvelle, en France, l’Etat Français a récemment donné des impulsions pour que, selon des critères précis, il soit accordé des financements à l’innovation et à la croissance. Pour autant, ces investissements ne se voient pas dans le bilan.

C’est donc compliqué, mais cela montre à quel point nos modèles économiques sont décalés du monde actuel.

Les auteurs disent être « persuadés que cette tension -liée à l’économie immatérielle, dominera l’économie politique des années à venir, et que le pays qui saura la résoudre ouvrira la voie à une grande prospérité. » C’est tout le propos de NXU depuis sa création…

Luc Marta de Andrade , Président de NXU et U – Need

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