On parle d’écosystème en référence au monde du vivant car comme la vie, l’innovation a besoin d’un environnement favorable pour éclore. Les nouvelles technologies NBIC, nanotechnologies, biotechnologies, informatique et cognitif que nous étudions au sein du think tank NXU se développent mieux dans des contextes particuliers qui se sont créés depuis quelques dizaines d’années. On pense d’abord à la Silicon valley dont l’origine vient de la volonté d’un professeur d’ingénierie électrique de Stanford, Frederick Terman, qui souhaitait des débouchés pour ses étudiants. Mais on peut également penser à Shenzen qui est passé du statut d’usine du monde à celui de laboratoire du monde grâce à l’action de l’Etat chinois. La Corée du Sud est aussi un terreau très fertile pour les innovations technologiques grâce à une culture tournée vers la science. Pourquoi l’Europe semble prendre du retard dans cette nouvelle révolution industrielle ? Quelles sont les différences entre les écosystèmes d’innovation ? Quelles pourraient être les pistes pour rattraper notre retard ?

Comparaison entre les écosystèmes :

comparaison entre les écosystèmes
En réfléchissant aux points clés qui expliquent qu’un écosystème fonctionne, on confirme le constat d’une Europe en décalage avec ses concurrents. Malgré sa richesse et les investissements faits par ses institutions, le vieux continent semble en mauvaise posture par rapport à ses concurrents.

 

2 modèles d’écosystèmes leaders en innovation : Américain et Chinois

 

Le modèle américain, avec beaucoup de liberté et de flexibilité, associé à une culture pro-business et un esprit entrepreneurial où les profils anticonformistes sont valorisés favorise les innovations de rupture.

La culture américaine aime la prise de risque. L’entreprenariat est vu comme une aventure où on apprend des épreuves que l’on rencontre.

Et elle ne sanctionne pas l’échec. L’Américain voit un échec comme une expérience et tout problème comme un challenge potentiel. De plus, si un projet échoue ce n’est pas forcément de la faute de celui qui l’a porté. Les entrepreneurs à succès d’aujourd’hui ont souvent connu de nombreux échecs avant de réussir. Contrairement à l’esprit français, l’échec n’est donc pas vu comme un mot péjoratif et synonyme de défaite.

Le capital – risque y est très développé et les marchés financiers permettent de lever ensuite des capitaux importants pour poursuivre le développement et la diffusion des innovations.

Le modèle Chinois, dirigé d’une main de fer par le parti communiste qui avec une volonté infaillible et des investissements conséquents, cherche des résultats à la hauteur. Ce modèle semble favoriser l’innovation incrémentale : à partir des découvertes copiées plus améliorées, la Chine développe des innovations dans l’électronique, la biotechnologie et l’intelligence artificielle. Le système économique Chinois est flexible et soutient les entrepreneurs tant qu’ils sont dans la bonne ligne politique.

L’innovation est une priorité nationale et la Chine a mis en place une politique qui vise à favoriser les investissements privés tout en subventionnant directement les fonds de capital-risque.

Le retard du modèle européen

Comme on peut le voir dans le tableau de synthèse, l’Europe cumule plusieurs faiblesses :

  • Un écosystème très fragmenté :

L’écosystème européen est incontestablement fragmenté, avec de nombreuses législations nationales et des systèmes de réglementation difficiles à modifier, et de nombreuses entreprises essentiellement nationales.

La fragmentation de l’écosystème européen est aussi visible en matière d’investissement dans l’innovation entre les pays européens. Selon Eurostat, des pays comme l’Autriche, la suède, le Danemark ou l’Allemagne consacrent plus de 3 % de leur PIB à la R&D, tandis que d’autres pays, au nombre de 17, dépensent moins de 1,5%. Les priorités nationales sont visiblement divergentes.

  • Un financement insuffisant

L’accès facile au capital risque est un autre facteur de succès qui semble manquer en Europe. L’un des défis majeurs semble être la capacité de l’Europe à transformer les startups en grandes entreprises. Cela ne peut se faire que via des investisseurs ou des fonds d’investissement importants qui peuvent accompagner le développement des sociétés innovantes.

  • Une culture moins favorable au digital

On peut se demander si l’Europe vieillissante n’a pas un problème culturel. L’adoption du numérique est plus lente en Europe qu’aux États-Unis ou en Chine. D’après un rapport de la BEI, le taux d’adoption du digital des entreprises de l’UE est beaucoup plus faible qu’aux USA. En 2020, 37 % des entreprises n’avaient encore adopté aucune nouvelle technologie numérique de pointe en Europe, contre 27 % aux États-Unis. Par exemple, 66 % des entreprises industrielles de l’UE déclarent avoir adopté au moins une technologie numérique, contre 78 % aux Etats-Unis. C’est encore plus flagrant dans le secteur de la construction où 60% des entreprises n’utilisent pas le digital (par exemple des drones, l’IoT…) contre 23% aux USA.

 Ainsi, il faudrait réfléchir à créer en Europe un écosystème propice à l’innovation.

D’abord une vraie politique européenne de l’innovation devrait être mise en œuvre. Parmi les pistes pour développer des écosystèmes européens la création d’une place financière transnationale permettrait de lever des capitaux pour les entreprises innovantes. Pour les acteurs de l’innovation, il faudrait développer un environnement avec moins de bureaucratie. Enfin, les pays européens devraient encourager les universités à accroître les liens avec des entreprises et avoir une approche de la recherche moins déconnectée de la vie économique.

Auteur : Aymeric Even – membre NXU Think Tank – Gérant de portefeuilles chez CMCIC Gestion.
Pour en savoir plus sur la commission Economie et la rejoindre :
Pour lire d’autres articles :