Dérives démagogiques : comment les NBIC peuvent être utilisées pour diffuser un message politique ?

Le 28 janvier 2018, j’ai eu l’occasion d’assister à une émission sur LCI ou Laurent Alexandre était fortement contredit par un théologien et un philosophe.

Ceux-ci se reconnaîtront s’ils ont l’opportunité de lire cette chronique.

L’ensemble des constats cités par Laurent Alexandre étaient considérés par ses deux « opposants » comme prise de position systématique en faveur des GAFAs, du libéralisme, du transhumanisme, du capitalisme etc. Une sorte d’amalgame permanent polluant en permanence l’objet même de l’échange et du débat.

J’ai apprécié le calme et la maîtrise dont a fait preuve Laurent Alexandre. Celui-ci se trouvait en effet contredit de façon assez péremptoire, non pas sur ce qu’il disait, mais sur ce que ses opposants pensaient qu’il disait (ou bien laissaient entendre …).

On basculait ainsi dans un débat de posture plus que de fond.

Deux échanges avec le « philosophe » m’ont frappé….

Le premier concernait le terme de bio-conservateur utilisé par Laurent Alexandre. Son opposant l’a repris, évoquant l’aspect désobligeant du terme « bio-conservateur », alors qu’il s’agissait d’humanisme, et que l’on pouvait être progressiste en refusant le progrès technique. Bref, les bio-conservateurs devenaient « humanistes » et étaient implicitement progressistes.

J’appelle ça un glissement de terrain…. Pas de la philosophie. Juste une manipulation conceptuelle dont le but est de valoriser ses propres positions tout en rejetant celle de l’autre.

Même pas un sophisme…

Ainsi, selon notre philosophe :

  • Bio-conservateur doit être banni du langage. Laurent Alexandre essayait de dire qu’il avait besoin d’une expression pour exprimer un fait, rien d’autre. Impossible ! Seuls existaient les humanistes.
  • Humaniste veut dire bio-conservateur progressiste. En soit l’humaniste refuse les progrès technologiques, mais c’est malgré tout un progrès… Bon…
  • Et comme les tenants du progrès technologique sont implicitement des odieux personnages, ils ne peuvent être humaniste. Par transitivité, un transhumaniste ne peut être humaniste. Donc, tous ceux qui sont pour le progrès techno scientifique sont des enfoirés cyniques qui n’ont rien d’humain… CQFD !

Pardon mais, il y a des bio-conservateurs non progressistes (je ne vois pas comment être conservateur et progressiste, mais il peut y avoir débat philosophique…), des humanistes progressistes, des humanistes rétrogrades, des transhumanistes humanistes ou non etc. Ne pas évoquer ces catégories dans leur entièreté et les organiser à ses fins est pure malhonnêteté !

Quelques minutes après, alors que de nombreux amalgames sont fait, associant progrès et pauvreté, ils évoquent l’Afrique. Naturellement, du point de vue des opposants de Laurent Alexandre, l’IA et les biotechs ne pouvaient qu’aggraver la pauvreté en Afrique… Ce dernier précise que, malgré tout, le taux de pauvreté diminuait en Afrique. Le philosophe outré lui a opposé un « comment pouvez vous dire des choses pareilles »…

L’inculture et l’imprécision de ce monsieur, cette comédie de bien pensance (comme l’aurait dit notre regretté Johnny : « assis sur son derrière avec les bras croisés ») a laissé paraitre l’image d’un Laurent Alexandre méprisant la pauvreté alors que lui, l’humaniste bienveillant, défendait la cause des pauvres.

Comment peut-on passer à la télé, se prétendre philosophe et avoir une telle méconnaissance ?

Oui Monsieur, le taux de pauvreté baisse en Afrique, et sans doute grâce au progrès et au libre-échange. Mais s’il y a de plus en plus de pauvres (ne pas mélanger nombre de pauvres et taux de pauvreté), notamment en Afrique Sub-saharienne, c’est parce que la natalité croit de façon exponentielle. Voir article du monde de Laurent Bigot, juin 2017.

Ne pas rentrer dans la complexité des choses (taux de natalité, taux de pauvreté, cause du recul du taux de pauvreté, attitude réflexive sur les progrès technologiques et la pauvreté) conduit à cette manipulation d’image.

Bien sûr ceci n’exclut pas de se poser la question de l’éradication de la pauvreté en Afrique ; surtout d’utiliser les NBIC pour ça… Bien sûr…

Cynisme ou inculture économique ? Notre philosophe a-t-il fait exprès d’adopter une telle position ? Je ne crois pas ! Je le pense sincèrement convaincu.

J’aime la philo. Mais pas celle de la manipulation intellectuelle. Pas celle des débats gauche droite stériles. Pas celle du niveau zéro et de l’incompétence. Si l’humanisme c’est ça, si être bio-conservateur c’est ça, alors il n’y a aucun progrès dans de telles postures !

Luc Marta de Andrade, Président de NXU Think Tank et U-Need Consulting

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