Paris 1961, trois chercheurs français de l’institut pasteur mettent en évidence, pour la première fois, l’ARN messager (une molécule chargée de transmettre à chaque cellule le code génétique adéquat). Quatre ans plus tard, ils se voient décerner le prestigieux Prix Nobel de médecine pour leur découverte majeure. Début des années 90, des chercheurs français suggèrent la possibilité d’avoir des vaccins à base d’ARNm. Au moment où cet article est rédigé, les États-Unis sont le seul pays à pouvoir produire plusieurs vaccins à base d’ARN messager contre la COVID-19.
L’histoire se répète
Certes, une histoire ne peut à elle seule représenter adéquatement la réalité complexe de notre monde, mais force est de constater que cette histoire se répète à chaque fois qu’on parle d’innovation. De nombreuses inventions ont été mises en œuvre par des Européens, et ensuite financées et développées par les Américains. Ce constat saisissant n’est pas nouveau et ne s’arrête pas aux inventions, les talents européens comme les entreprises montantes (ou jeunes pousses) n’échappent pas à la règle, et on peut même dire que c’est devenu un rituel. Outre les belles perspectives qu’offrent les États-Unis aux talents et aux entrepreneurs européens, l’Europe a ses atouts et ses faiblesses, qui sont d’une nature relativement complexe, parmi lesquels on peut citer la diversité linguistique et culturelle du vieux continent. En matière de R&D, il convient de noter que l’Europe a joué un rôle majeur dans la plupart des grandes découvertes.
Quant aux indicateurs de réussite en innovation, tels que le nombre de licornes, ainsi que les comparaisons entre pays de tailles différentes (Ex : États-Unis vs France), n’ont que peu de sens. Tout simplement, parce qu’il n’existe pas de mesure unique et parfaite du succès en matière d’innovation.
Comparaison
Une comparaison entre les États-Unis et l’Europe est plus parlante sans qu’elle soit parfaite. Plusieurs mesures qualitatives et quantitatives permettant d’évaluer comment les différents pays se situent en terme de culture d’innovation, de financement et de politique d’incitation.
L’histoire évoquée au début de cet article illustre la difficulté à définir ce que c’est réellement l’innovation. Cette histoire de l’ARNm cache un détail d’une grande importance : l’entreprise gagnante de la course au vaccin anti-Covid est européenne « BioNTech » et ce n’est pas un hasard.
Il faut garder à l’esprit qu’Internet, Skype, Siri ou DeepMind figurent sur une liste interminable de pépites nées en Europe. On se demande alors, dans le cas du vaccin contre la Covid-19, à qui revient l’innovation ?
Le constat en chiffres et tendances
Les perspectives économiques de l’Europe dépendent de l’innovation, la Recherche Scientifique et des Technologies Numériques. L’innovation a le potentiel de permettre d’atteindre le niveau de productivité dont L’Europe a besoin. Innover dans des produits et services qui requièrent de nouvelles compétences est un levier essentiel pour réduire le risque de pression sur les salaires et l’emploi résultant de l’automatisation.
Cependant, depuis les années 1980, le poids économique du vieux continent dans le monde diminue et c’est une tendance qui n’est pas prête de changer. Avec la complexification de l’environnement du travail, l’innovation structurée ne répond plus aux enjeux actuels et c’est ce qui se fait principalement en Europe. L’économiste français Thomas Philippon avance que si les marchés américains ont été les plus concurrentiels pendant des années, ils ne le sont plus aujourd’hui à cause de la concentration des entreprises américaines. Contrairement à l’Europe, qui a réussi à adopter une politique de concurrence ouverte efficace et compétitive, garantissant l’intérêt commun grâce à l’intervention de régulateurs fiables et indépendants. Sauf que l’Europe n’a pas à se réjouir de l’affaiblissement de la concurrence aux États-Unis. Les tendances actuelles en matière de financement R&D, des réglementations ou de l’écosystème d’innovation, les États-Unis sont loin devant. Comme l’illustre le cabinet BCG qui dresse chaque année le classement (figure ci-dessous) des entreprises les plus innovantes en se basant sur différents critères :
La figure montre le classement des 50 entreprises les plus innovantes en 2021 (d’après BCG). On constate que les entreprises les plus innovantes sont principalement américaines à forte compétence technologique.
Entre 2020 et 2021, plusieurs entreprises pharmaceutiques (Moderna, Pfizer, AstraZeneca) ont pu se hisser dans le classement grâce à leurs technologies innovantes contre la Covid-19, tandis que d’autres ont perdu leur place dans le classement (Ex : Airbus).
Investissement mondial en R&D, Source : https://ec.europa.eu
Les États-Unis investissent davantage (38 % de l’investissement mondial) en R&D que l’Europe (20.9 %) et la Chine (13.1 %) réunis. Les tendances d’investissement montrent que les États-Unis ne comptent pas perdre leur place et que la Chine veut rattraper son retard avec une augmentation significative des investissements.
Taux de croissance des investissements en R&D, Source : https://ec.europa.eu
Enfin, pour réussir l’innovation, il faut faire de l’innovation une priorité et engager des investissements et des talents afin de transformer l’investissement en résultats.
En ce qui concerne le futur, l’intention compte, et le constat est clair et sans appel : avec le budget dédié à l’Innovation, l’Europe affiche son manque d’engagement dans cette course. À ce rythme, l’Europe peut réussir l’innovation, mais certainement moins que les États-Unis et la Chine.
Auteur : David Jaidan – membre NXU Think Tank – AI Expert | Entrepreneur | Adding Real-World Insights using AI Tech to Internal Decision-Making Process.
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