Nouvelles mobilités : les technologies avancent,
les modèles restent à inventer

« Citius, altius, fortius » (plus vite, plus haut, plus fort). Si elle n’avait été préemptée par Pierre de Coubertin voilà un siècle, la devise olympique pourrait être adoptée par les Géo Trouvetou qui rivalisent d’imagination pour révolutionner nos modes de déplacement. Le bouillonnement actuel autour de la mobilité donnerait presque le tournis. Qu’on en juge : les géants de l’aéronautique Airbus et Boeing s’affrontent aussi sur le terrain automobile et ont chacun fait décoller des prototypes de voitures volantes. Ils sont concurrencés par des clients sérieux comme Uber, Toyota, Cartivator ou la start-up californienne NFT. Les expérimentations de véhicules autonomes se multiplient avec Tesla, et les champions français Navya et Easy Mile. Des projets de trains futuriste à la sauce Hyperloop sont annoncés un peu partout dans le monde. Et dans nos villes, les engins les plus divers font leur apparition, des vélos avec ou sans moteur aux hoverboards, en passant par les monowheels et autres trottinettes électriques, dont on découvre qu’elles existent en fait depuis plus d’un siècle.

Effet de mode (de transport)

Théorie du « bordel minimum requis » chère au regretté Roland MORENO, tous les projets n’aboutiront pas. Certains modes ne dureront pas. Mais ce foisonnement nous dit beaucoup des enjeux de la mobilité dans nos sociétés congestionnées. D’un côté, les réseaux saturent, on ne compte plus les milliers d’heures perdues dans les embouteillages, le coût économique et écologique des voitures particulières apparaît faramineux, les réseaux de transports en commun sont incomplets et insuffisamment maillés, sans que les pouvoirs publics aient ou se donnent les moyens de les développer, voire de les maintenir. De l’autre, nous aspirons à aller toujours plus vite dans un espace toujours plus fluide, en nous libérant au maximum des contraintes, en payant le moins cher et en générant le moins d’impact possible. Tout cela invite à chercher de nouveaux modèles de mobilité, et à vrai dire, nous n’avons plus le choix. Les avancées technologiques sont une étape, peut-être nécessaire mais pas suffisante. Elles entrent dans une équation complexe où interviennent des éléments aussi divers que les usages, le modèle économique et le cadre juridique. Le cimetière des innovations est peuplé de moyens de transport géniaux sur plans mais qui n’ont jamais franchi le stade du bureau d’études. Que l’on songe au célèbre projet d’aérotrain, au début des années 1970, dont les vestiges restent visibles dans la région d’Orléans… L’Hyperloop sera peut-être capable un jour de transporter des passagers dans un tube à 1200 km/h, sans doute saura-t-on s’extraire d’un embouteillage par les airs, mais on imagine aisément les murailles réglementaires qu’il faudra franchir pour faire entrer ces innovations dans nos paysages quotidiens.

Vers le MAAS (Mobility As A Service)

En réalité l’innovation en matière de transport dépasse la question de la brique technologique. Elle consiste aussi (surtout ?) à rendre les nouvelles mobilités attractives, pratiques, rentables et sûres pour faciliter leur adoption par le public. C’est là où la révolution numérique joue un rôle essentiel. La modification des usages passe inévitablement par l’utilisation des datas, la géolocalisation, le déploiement d’applications. Ces dernières années ont été marquées par le succès spectaculaire de solutions de mobilité alternatives qui reposaient sur les moyens de transport les plus traditionnels, mais repensés en mode 2.0 : les vélos, voitures, trottinettes et scooters en libre-service entrent dans cette catégorie, tout comme les VTC et les systèmes d’autopartage. Ils n’ont pas exactement réinventé la roue !

À travers ces innovations d’usage, c’est une mobilité connectée qui se dessine. L’enjeu aujourd’hui est de la rendre plus smart par une meilleure organisation de l’intermodalité. Pas uniquement pour les colis qui passent du container sur le bateau au train, puis à la camionnette pour être livrés. L’intermodalité des usagers leur fera combiner différents modes de déplacement dont il faut organiser la complémentarité en termes de réseaux et d’infrastructures, mais aussi de tarification, d’échanges de données. C’est cette intégration intelligente que décrit le concept de Mobility As A Service (MAAS). Une révolution copernicienne qui promet aux usagers la praticité et la fluidité, et aux opérateurs la rentabilité. Tout un programme !

Jacques Digout, Directeur Formation Continue TBS Business School
j.digout@tbs-education.fr

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