Pandémie foudroyante
En décembre 2019, une épidémie de pneumonie virale d’étiologie inconnue est apparue dans la ville de Wuhan (Chine). Ce nouveau virus baptisé par la suite SARS-CoV-2 est l’agent responsable d’une nouvelle maladie infectieuse respiratoire appelée COVID-19 (COronaVIrus Disease 2019). Le virus s’est ensuite propagé très rapidement, touchant ainsi 185 pays.
Face à l’incertitude liée à ce virus, l’absence d’un vaccin et l’effondrement de certains systèmes de santé comme ce fut le cas en Italie, le confinement a été envisagé comme la seule solution possible, car il permet la distanciation sociale qui entraine à son tour la diminution de la propagation du virus.
Un confinement généralisé et après ?
La stratégie d’un confinement généralisé associée à des tests massifs s’avère relativement efficace, mais dans l’absence d’un civisme rigoureux de la population, le confinement comme le dé-confinement, risque fort de faire long feu. Dans ce contexte, la commission européenne a proposé une collaboration avec les opérateurs téléphoniques dans l’objectif de modéliser les déplacements « anonymisés » des citoyens afin d’aider les services sanitaires à anticiper les besoins. D’autre part, les géants du web Google et Apple ont proposé une solution de développement utilisant le Bluetooth sur Android et iOS. La France compte proposer sa propre application « StopCovid » qui serait interopérable avec les APIs proposées par Apple et Google. Cette application devrait permettre à l’utilisateur d’être prévenu s’il a croisé une personne contaminée par le virus.
Point de discorde ; confidentialité
Une solution qui s’appuie sur la collecte massive des données serait vite confrontée à un défi de taille ; l’anonymisation des données. Garantir à la fois la confidentialité des données et l’information pertinente à préserver (comme la géolocalisation ou le résultat d’un test Covid-19) est un grand challenge. Une solution basée sur le Bluetooth est moins intrusive ; néanmoins, il faut vérifier que l’application ne présente pas une faille de sécurité susceptible de compromettre la confidentialité des données sensibles. Le principal problème est que l’efficacité de ces solutions reste encore à prouver. Et s’il s’avère, après expérimentation, que ces solutions « basées sur du consentement » ne sont pas ou peu efficaces. Il faudrait sans doute envisager d’autres alternatives basées sur l’IA comme le traçage en temps réel et la reconnaissance faciale. Peut-on aller plus loin et convaincre les citoyens d’accepter ces solutions ? Et quel rôle peut jouer l’IA pour arriver au bout de cette crise ?
Un capital confiance épuisé
L’Intelligence Artificielle (IA) n’a plus assez de capital confiance auprès des citoyens européens pour être acceptée comme une solution à l’unanimité. L’IA est aussi accusée de tous les maux (perte d’emplois, traçage ou violation des libertés individuelles). La diabolisation sans cesse de l’IA empêche de s’intéresser aux vrais enjeux qui nous sont imposés par la société actuelle.
Si nous entendons remettre les choses en ordre, il nous faut nous rendre compte que l’IA telle que nous la connaissons aujourd’hui n’est pas intelligente.
l’IA est un ensemble de technologies qui imitent le raisonnement et le comportement humain. Comme cela peut se voir avec le biais cognitif, qui est littéralement reproduit par les machines apprenantes. Il ne faut pas non plus balayer d’un revers de main les profondes transformations engendrées par l’IA. Les applications de l’IA nous permettent d’effectuer des tâches de manière très efficace et précise.
L’état de droit
Depuis l’apparition du COVID-19, plusieurs initiatives ont été lancé pour profiter de l’essor de l’IA pour contrer le virus. Certains pays ont pu en bénéficier plus rapidement que d’autres car ils avaient déjà un système d’IA déployé à grande échelle. Parmi ces applications, on trouve le traçage des mouvements, la reconnaissance faciale ou même le scoring. En Europe, un débat est en cours pour voir quel outil peut-on utiliser et pour quelle finalité.
La principale question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’IA menace notre liberté individuelle. La réponse est non à condition que cette IA soit adoptée par un état soucieux de concilier liberté et sécurité. L’IA est un outil et chaque pays peut l’utiliser à bon escient. L’Europe reste un exemple en matière de démocratie et de droits individuels. Une IA intrusive ne reflète que la fragilité de l’état de droit. Le débat devrait plus se focaliser sur l’encadrement de l’IA, les bonnes pratiques et la transparence de son déploiement, plutôt que sur la possibilité de son utilisation.
La perte acceptable
Le confinement est la preuve que les citoyens du monde entier ont sacrifié leur droit de se déplacer pour protéger les plus vulnérables ; un droit plus important qui est celui de vivre. Cette fois, il faudrait se poser les bonnes questions pour savoir ce qu’on est capable de fournir comme information personnelle afin de préserver deux droits fondamentaux: vivre et se déplacer.
David Jaidan, Responsable Scientifique de Projets en Intelligence Artificielle/Data-Science chez Scalian
Autre article sur l’IA et la crise sanitaire : L’échec de la coopération européenne dans le contexte de la lutte contre le COVID-19