La confiance en action, source de performance responsable

Le mot « confiance » provient du latin « cum-fidere », qui a donné le verbe « confier », c’est-à-dire partager quelque chose de précieux avec quelqu’un, s’ouvrir aux autres pour bâtir avec eux un projet commun dans l’interdépendance. Il est employé dans la langue courante sur son versant passif (« avoir confiance » – « confidence » en Anglais), cette confiance qui sécurise et rend possibles tous nos actes quotidiens[1].

La littérature du management et du développement personnel abonde sur cette confiance qui assure et rassure, sous l’angle de la confiance en soi et la confiance dans les relations interpersonnelles. Nourrie de bienveillance et d’attention à l’autre, cette confiance est évidemment absolument essentielle.

Mais est-elle suffisante pour porter la performance responsable des entreprises confrontées aux défis systémiques liés à la disruption de la transformation numérique, à la réponse aux impératifs écologiques et à la gestion des mutations du travail, trois phénomènes accélérés par l’intelligence artificielle ?

Notre expérience, corroborée par plusieurs décennies d’observations et d’analyses dans une vingtaine de cultures différentes, tend à montrer que non. Face aux défis inédits à affronter ou aux projets complexes à accomplir, la confiance est plus que jamais convoquée sur son versant actif (« faire confiance » – « trust » en Anglais).

Forme particulière de la confiance en tant que pari conscient sur l’autre en vue de l’action à venir[2], la « confiance en action » est à la fois pari, lien et exigence. Arme stratégique, la confiance en action repose sur cinq valeurs cardinales : l’authenticité, l’utilité, la crédibilité, la transparence et la loyauté. Elle incorpore la bienveillance, tout en la dépassant.

Cette confiance comme acte positif est requise dès lors que les membres de l’entreprise s’engagent avec d’autres, internes ou externes, dans des interactions qui mobilisent un mélange de pragmatisme et de créativité collectifs pour tirer le meilleur parti des connaissances et technologies à leur disposition en vue de décider et d’agir. La confiance en action est un processus dynamique et interactif qui habite en mode réflexe les équipes performantes et les meilleures entreprises. Elle seule permet d’atteindre des niveaux élevés de performance, à chaque fois qu’une véritable coopération est nécessaire.

Confiance stratégique et systémique

Dans l’action, la confiance est la réponse positive à une question que toute personne en situation d’agir, d’entreprendre ou d’innover et donc de prendre un risque, pose à ses collaborateurs, partenaires ou clients : « Est-ce que je peux compter sur toi ? ».

Le pari de la confiance en action est donc indissociable :

  • d’attentes de comportements à l’égard d’autrui
  • et de buts à atteindre en regard du futur.

Au-delà d’un enjeu de qualité des relations interpersonnelles, elle revêt donc un caractère stratégique. Pour un dirigeant, cette question se décline en sous-questions du type : « Puis-je compter sur chacune et chacun des membres de mon équipe de direction pour me donner un feedback franc, direct et précis sur la manière dont je réponds à ses besoins ? », « Puis-je compter sur tel partenaire pour mener un projet d’investissement commun ? », « Puis-je compter sur chacun de mes collaborateurs pour qu’il me dise clairement ce que j’ai oublié de prendre en compte dans ma décision ? » …

Une entreprise où la réponse à ces questions est systématiquement positive (à tous les niveaux de la hiérarchie et dans tous les secteurs) est généralement une entreprise en bonne santé, créatrice de valeur pour son écosystème comme pour elle-même. Comment alors atteindre un tel résultat ? Au prix d’une lutte constante des dirigeants et managers contre les blocages du feedback humain qui perturbent les dynamiques de décision stratégique, appauvrissent l’esprit humain et limitent le profit tiré des méthodes « agiles », de la transformation numérique et en particulier de l’intelligence artificielle.

Les dirigeants qui visent de hauts niveaux d’innovation et de performance responsable ne laissent en aucun cas l’innovation dépendre au cas par cas du degré aléatoire de confiance en soi des individus. Promoteurs d’une approche systémique – et systématique – de la confiance, ils se donnent les moyens de faire pivoter toute l’entreprise vers une bioculture responsable, fondée sur la production de confiance dans toutes les interactions internes et externes, par opposition à la culture « EGO-centrée », centrée sur elle-même et génératrice de défiance.

Dès lors se pose la question de l’étendue et de la systématisation de la production de confiance à l’échelle de l’organisation. Innovation et performance responsable de haut niveau exigent le développement de la confiance comme règle de vie à l’échelle de l’entreprise étendue à son écosystème, de telle manière que chaque interaction interne ou externe soit productrice de confiance.

Est-ce un hasard si les zones à haute intensité d’innovation et de production de richesse sont aussi des zones de confiance systémique entre acteurs économiques, sociaux, politiques et culturels[3] ? Ces régions du monde (nord de la Californie, Israël, sud de l’Allemagne, Finlande, Estonie…) sont aussi celles où les personnes humaines tirent profit sans crainte des avancées technologiques et des apports de l’intelligence artificielle.

Auteurs : Christian Mayeur – Faculty associate à IAE AIX Graduate School of Management, Entrepreneur, conseil de dirigeants, conférencier et coach certifié – partenaire pour la France de SAY=DO Technologies.

Avec la contribution de Marc ZarroukConsultant, formateur international et coach, co-fondateur de SAY=DO Technologies, fils du Docteur Claude ZARROUK, professeur à HEC / CRC, dont il perpétue l’héritage depuis Israël.

 

[1] Les démocraties offrent à leurs citoyens (notamment entrepreneurs ou consommateurs) la chance de baigner au quotidien dans un océan de confiance « passive » – au sens où nous ne la remettons pas en question tous les matins – à l’égard des banquiers, des experts-comptables, des assureurs, des constructeurs automobiles, des compagnies de transport aérien, de la météo nationale et même de l’administration fiscale.
[2] Sur la dimension de pari de la « confiance », voir Mark HUNYADI : « Au début est la Confiance », Editions Le Bord de l’Eau, 2020.
[3] Nous regroupons les scientifiques, les artistes et les professions intellectuelles telles qu’architectes ou designers dans les acteurs culturels.

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