Depuis que le grand public s’intéresse à chatGPT, une partie des experts du domaine semble avoir décidé de doucher l’enthousiasme qui l’accompagne.
Certes, on oubliera bien vite la citation du ministre délégué au Numérique, Jean-Noël Barrot : “ChatGPT n’est qu’un perroquet approximatif« . Quand le volatile en question réussit l’examen de Master Business of Administration (MBA) de l’université de Wharton en Pennsylvanie, reconnue comme une excellente école de commerce, on se dit qu’il a peut-être d’autres talents.
Cependant, Yann Le Cun, responsable de l’Intelligence artificielle de Facebook et pionnier du domaine, rappelle que les modèles utilisés ne sont pas nouveaux. Ils sont connus depuis 2017. Laurence Devillers, professeure en Intelligence artificielle à la Sorbonne, souligne que ces machines ont une connaissance extrêmement livresque qui n’a rien à voir avec l’intelligence humaine. A partir d’une entrée textuelle, chatGPT est entraîné à donner la séquence de mots la plus probable statistiquement, par rapport à sa base de données. Cet apprentissage est renforcé par des humains qui ajoutent des réponses alternatives. Le modèle de langage fait en sorte de varier le texte produit. Ce qui ressemble à un raisonnement n’en est donc pas un.
ChatGPT n’a pas conscience de la réalité extérieure, ni de compréhension émotionnelle, ni de conscience de soi. Pour ces experts, ses capacités ne sont pas comparables à l’intelligence humaine. Mais ne pourrait-on pas concéder qu’elle possède une autre forme d’intelligence ?
C’est là qu’intervient la distinction entre la nature et la fonction.
La nature est d’ordre qualitatif. Elle décrit un mode de fonctionnement. On parle de nature humaine, animale, vivante, de nature logicielle ou machine, voire de nature extra-terrestre.
ChatGPT et ses semblables fonctionnent sur la base de réseaux de neurones artificiels (Artificial Neural Networks, ou ANN). En l’occurrence, le qualificatif « artificiel » est pertinent, selon sa double définition[1]. Il s’agit bien d’une création de l’homme. Ces neurones artificiels stockent les informations de façon statique et numérique alors que les réseaux de neurones biologiques sont dynamiques et analogiques. La distinction reste de nature.
En revanche, des entités de nature distincte, humaine, logicielle voire extra-terrestre peuvent réussir un même test d’intelligence.
L’intelligence consiste à répondre, à partir de données en entrée, par un certain nombre de valeurs attendues. Elle s’apparente à une fonction, de type boîte noire, avec une ou plusieurs entrées et une sortie. Elle est d’ordre quantitatif. C’est le principe du test de Quotient Intellectuel (QI). La version 3.5 de ChatGPT a été mesurée avec un score de QI de 83. Quelques mois plus tard, GPT 4 a atteint 114. On imagine que, dans les années voire les mois à venir, une itération ultérieure du langage GPT obtiendra des résultats de QI dépassant ceux des humains les plus brillants.
Depuis de nombreuses années, des logiciels assistent les mathématiciens et les physiciens dans la résolution de problèmes. En 2019, une Intelligence artificielle, ou Intelligence machine pour reprendre le terme préféré par Yann Le Cun, a redécouvert l’héliocentrisme, le fait que la Terre tourne autour du Soleil. Une autre a découvert une manière inédite de calculer le nombre pi[2]. Des chercheurs ont démontré plus d’un millier de théorèmes avec une troisième[3]. Le programme Alphafold de la société Deepmind, filiale de Google, est capable de prédire la structure de la quasi-totalité des protéines codées par le génome humain.
Les astronomes s’accordent sur l’existence de civilisations extraterrestres dans l’Univers. Fondées depuis beaucoup plus longtemps que nous, elles sont donc beaucoup plus avancées. Leur intelligence est sans doute de nature très différente de la nôtre. Elle n’en demeure pas moins supérieure.
Refuser à ChatGPT et à ses homologues le titre d’intelligence, au motif que ces logiciels « pensent » différemment des humains, revient à entretenir une confusion erronée et malheureuse entre la nature et les fonctions de ces machines.
Ce n’est pas seulement un combat d’arrière-garde. Cela nous empêche d’appréhender leurs dangers. « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », disait Albert Camus. Surtout quand Vladimir Poutine prédit, que le pays qui « deviendra le leader de l’IA sera celui qui dominera le monde ».
ChatGPT et les autres Intelligences machines sont de nature logicielle ou machine. Leurs succès aux tests de QI, à des examens universitaires de haut niveau ou à démontrer des théorèmes de mathématiques prouvent qu’ils comportent des fonctions intelligentes.
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[1] Définition d’artificiel par Larousse :
- Produit par le travail de l’homme et non par la nature : Lac artificiel. Fleurs artificielles.
- Qui résulte de la vie en société et n’est pas essentiel : Besoins artificiels.
Les deux autres définitions ne s’appliquent pas aux neurones artificiels.
- Qui n’est pas conforme à la réalité : La psychologie artificielle d’un roman.
- Qui est affecté, manque de naturel : Sentiments artificiels.
[2] https://www.clubic.com/technologies-d-avenir/intelligence-artificielle/actualite-857644-sr-ia-creee-google-prouve-1200-theoremes-mathematiques.html
[3] Ibid.
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