A l’occasion d’une métamorphose inédite des économies et des sociétés, nous sommes entrés dans l’ère de l’interdépendance généralisée qui requiert une fluidité de circulation et d’hybridation de l’esprit humain à la hauteur de la puissance de l’intelligence artificielle. Pour parvenir à ce résultat, un modèle de management biologique fondé sur la confiance en action prend le pas sur le modèle mécanique hérité du XXème siècle. Fondée sur les disciplines du récit partagé, du feedback constructif et du débriefing responsable, la confiance en action lubrifie et enrichit les interactions à tous les niveaux de l’écosystème des entreprises.

En endossant leurs habits de leaders de confiance, les dirigeants lèvent les blocages dans le partage de l’information et du savoir et dans l’apprentissage continu, libérant des sources inépuisables d’innovations incrémentales et disruptives. Ils incarnent la transformation vers une bioculture de confiance stratégique et systémique.

En rendant à la confiance son statut immémorial d’actif immatériel de premier rang, la confiance en action est source de co-innovation accélérée et de haute performance responsable – opérationnelle, financière, sociale et écologique.

Comment faire face à la métamorphose en cours ?

Les effets conjugués de la transformation numérique, de la transition écologique, des défis sanitaire, alimentaire et énergétique, et des nouvelles formes d’activité, d’habitat, de déplacement et de travail, bousculent des pans entiers de notre écosystème, du niveau mondial au niveau local, de la planète à la nation, de la nation au territoire. L’intelligence artificielle en particulier donne accès à des gisements de création de valeur incommensurables. Par sa puissance annoncée, l’intelligence artificielle génère une crainte diffuse auprès des salariés, voire des citoyens.

En parallèle, une bonne part de la population active, y compris les chefs d’entreprise, exprime le sentiment que les liens humains sont distendus, voire désincarnés, sentiment aiguisé par le confinement imposé par la crise sanitaire et le recours massif au télétravail. Et pourtant, cette crise marquée par la « distanciation » nous révèle paradoxalement que nous sommes plus liés que nous ne le pensions. Elle souligne à quel point notre monde est un vaste écosystème d’interactions et d’interdépendances, au grand dam de la pensée analytique moderniste, linéaire, avide de séparations et de classements en catégories.

Comment améliorer la réflexion stratégique, l’ouvrir aux parties prenantes, favoriser son incarnation, et accélérer son déploiement opérationnel dans un contexte où les repères changent ? Comment permettre aux collaborateurs d’aborder sereinement le formidable apport de l’intelligence artificielle et d’en tirer le meilleur profit ? Comment mobiliser les nouveaux recrutés autour d’une raison d’être qui transcende les silos internes mais aussi les limites traditionnelles du champ d’action des entreprises ? Comment attirer et retenir les meilleurs talents ? Comment régénérer son entreprise ?

Tirer parti de la multiplication exponentielle des interactions

De la coordination à la coopération

La multiplication exponentielle des interactions concerne tous les secteurs d’activité, elle irrigue tous les domaines d’innovation. Les champs de développement stratégiques les plus porteurs traversent allègrement les disciplines, les secteurs et les spécialités : mobilités, villes durables, qualité de vie et bien-être, mutations du travail, e-commerce, services d’information et de relation client, consommation responsable, santé de demain (du « cure » au « care »), sécurité alimentaire, industrie du futur, gestion de la biodiversité, finance durable, cybersécurité… Ces domaines entremêlent des enjeux humains, digitaux, logistiques, écologiques… dans un champ infini d’interactions où l’intelligence artificielle vient en appui de l’esprit humain, seul capable à ce jour de conjuguer raison, émotion et intuition.

Face à cette multiplication exponentielle des interactions qui les installe de plein pied dans la complexité[1], la réponse réflexe de nombre d’organisations est encore de répondre par la complication[2]. Ces entreprises multiplient les instances de coordination[3] qui compliquent les organisations au détriment des coopérations[4] fluides et spontanées réclamées par la complexité. Le temps et l’énergie consacrés à la coordination induisent des effets indésirables aussi divers que des surcoûts financiers, des retards vis-à-vis du marché et des attentes de la société, une approche parcellaire des enjeux sociétaux et environnementaux.

Complémentarité entre intelligence artificielle et esprit humain

Pour endiguer la prolifération des coûts de coordination, les entreprises recourent largement à la numérisation et à l’automatisation des procédés (« process »). De fait, les progrès considérables de la gestion massive des données (« Big data »), de l’intelligence artificielle et des neurosciences apportent des résultats probants pour toutes les interactions et décisions associées qui peuvent être déléguées hors du champ d’intervention de la pensée. A l’occasion d’une enquête de 2019[5], 64% d’une large population d’employés interrogés affirmaient déjà qu’ils auraient davantage confiance en un robot qu’en leurs managers. La moitié des répondants déclaraient même être passés à l’acte et s’être tournés vers un robot pour demander conseil.

En revanche, toutes les interactions qui transcendent les process (des décisions stratégiques aux décisions en empathie avec les clients, en passant par l’innovation en équipe) sollicitent plus que jamais l’irréductible esprit humain. Porté par la force irrépressible du désir qui pousse les personnes et les organisations humaines vers l’avant, l’esprit humain tisse, régénère, réinvente sans cesse les liens de coopération et permet la transmission de génération en génération.

Ce mouvement de l’esprit humain, opérant par fécondation croisée de la raison et de l’émotion explique que les répondants à la même enquête estimaient que leurs managers restaient mieux qualifiés que l’intelligence artificielle pour comprendre leurs sentiments, les coacher, créer (ou promouvoir) une culture de travail, évaluer la performance de l’équipe, résoudre un problème, assurer le pilotage et l’orientation. 

Auteurs : Christian Mayeur – Faculty associate à IAE AIX Graduate School of Management, Entrepreneur, conseil de dirigeants, conférencier et coach certifié – partenaire pour la France de SAY=DO Technologies.

Avec la contribution de Marc ZarroukConsultant, formateur international et coach, co-fondateur de SAY=DO Technologies, fils du Docteur Claude ZARROUK, professeur à HEC / CRC, dont il perpétue l’héritage depuis Israël.

 

[1] Complexité provient de complexus » : ce qui est tissé ensemble ».
[2] « Le monde économique a un rôle clef pour faire face à la complexité sans devenir compliqué » – Yves MORIEUX, directeur de l’Institute for Organization du Boston Consulting Group (BCG) – entretien accordé au quotidien Les Echos, 22 mars 2019.
[3] L’extension de la logique de coordination conduit à une inflation de règles, de procédures, de contrôles, de clauses contractuelles et de structures – commissions et comités – censées relier des logiques disjointes, à tel point que ce phénomène a donné lieu à la création d’un savoureux néologisme : la « comitologie ».
[4] « Le manager doit gérer un système, non des individus. Il ne doit plus forcément prendre les décisions mais créer les conditions pour que les équipes prennent les bonnes décisions. Par-dessus tout, il doit favoriser la coopération dans l’entreprise. » – Yves MORIEUX, ibid.
[5] Enquête sur l’Intelligence Artificielle : « From Fear to Enthusiasm. Artificial Intelligence Is Winning More Hearts and Minds in the Workplace », menée par Oracle et Future Workplace auprès de 8370 employés, managers et directeurs de ressources humaines d’entreprises de 10 pays différents – publiée en octobre 2019.

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