Paul Antoine Miquel est « professeur » de philosophie à l’université Jean Jaurès à Toulouse. C’est un philosophe des sciences. Allez voir sur le site de NXU la publication « rencontres avec Paul Antoine Miquel » afin de situer sa pensée. Il a bon nombre de textes à son actif dont tout récemment un livre intitulé « Venus et Prométhée ». Le sujet phare de Paul Antoine est l’éthique de responsabilité à l’égard des générations futures. Ces dernières n’étant pas là pour se défendre des décisions que nous prenons actuellement. Pour bien comprendre la pensée de Paul Antoine, je vous invite à lire les deux publications évoquées ci-avant.
L’éthique de responsabilité est évoquée du fait des risques techno-scientifiques. Ces derniers sont plus importants de nos jours du fait de la singularité évoquée par Paul Antoine (jamais la relation de pouvoir de l’homme sur la biosphère n’a été aussi forte sans retour en arrière possible), mais aussi de l’accélération de la puissance technologique. Paul Antoine propose une méthode pour aborder les risques en les classant sous forme de catégories : incertain, probable, possible, certain etc. Les mesurant ainsi méthodologiquement en amont d’un choix (ou non choix) de réglementation.
Je partage cette approche avec Paul Antoine car elle propose une forme de rationalité face au risque techno-scientifique plutôt que de voir l’homme politique se précipiter dans la réglementation de l’émotion !
On pourrait aller plus loin dans cette approche. Car nous avons aussi une responsabilité à l’égard des générations futures du fait de nos choix réglementaires ! Prenons un exemple simple : en France nos choix réglementaires ont surendetté l’état laissant une dette majeure à nos enfants. Il semble que nos infrastructures se dégradent, interrogeant aussi sur la destination de cette dette. Que dire aussi des choix favorisant le diesel que l’on constate polluant près de 40 années plus tard. Soit une génération et demie. Je ne porte pas d’avis politique, je regarde les faits.
Ainsi, à l’instar de ce qu’exprime Paul Antoine en matière scientifique, nos choix politiques portent aussi une responsabilité à l’égard de nos descendants.
Nos choix réglementaires peuvent donc avoir des conséquences lourdes. Ils sont souvent le résultat de postures politiques. Et rarement détricotées… quand il est quasi trop tard.
Bref, nous avons une responsabilité éthique dans nos choix réglementaires !
Comment peut-on rationaliser les choix politiques eux même issus d’un vote démocratique ? Ou la posture politique influence le choix démocratique, ce qui n’est pas plus rationnel ! La réglementation est donc extrêmement relative à de multiples facteurs peu rigoureux.
Il m’arrive souvent de citer Raymond Aron. Dans la préface du livre de Max Weber, « Le savant et le politique » il nous dit qu’un fait nouveau (liée à l’action humaine) perturbe la chaîne causale de la trajectoire de l’humanité provoquant ainsi une singularité. Cette bifurcation de trajectoire induit une forme d’imprévisibilité en créant de multiples scénarios ; prévisibles ou non. Chaos !
Pour Yuval Noah Harari, historien ayant écrit deux livres remarquables (Sapiens et Homo Deus) l’histoire est un système chaotique de niveau 2. Chaos qui réagit aux prédictions le concernant et se dérobe à toute prédiction exacte.
L’action politique n’échappe donc pas à ces principes. En réglementant, on provoque une bifurcation de trajectoire dont on pense mesurer les effets… en est-on si sûrs ? Il est certes des évidences réglementaires comme interdire de tuer ou de voler. Pour autant, avec des choix complexes aux paramètres multiples, faisant tout à la fois appel à des réflexions techno scientifiques, économiques et sociologiques, je mets au défi quiconque de me dire qu’il détient la vérité absolue (voir mon texte précédent : part 2 ; y-a-t-il une vérité absolue ?) …
Paul Antoine Miquel cite Foucault : dans une relation de pouvoir il s’agit « d’agir sur l’action des autres ». Il faut donc mettre en place des rétrocontrôles. Et que ceux-ci soient pris en compte de façon formelle. Qu’en est-il réellement ? Tant dans le domaine scientifique que politique et réglementaire.
Toute décision en droit conditionne la vie de plusieurs millions d’humain, et est rarement remise en cause. Une erreur du législateur ne sera jamais sanctionnée. Les gouvernements et législateurs peuvent agir en toute impunité puisqu’ils représentent la démocratie. Cette dernière autorise tout, y compris la manipulation du peuple qu’elle soit clientéliste ou dogmatique. Rappelons que la démocratie représentative suppose que ces représentants soient des gens compétents. Mais on ne peut empêcher à l’humain d’être humain et de servir en priorité ses propres intérêts. Faut-il donner plus de pouvoir au peuple à travers plus de votes directs ainsi que demandé actuellement dans la rue ? Je ne suis pas convaincu non plus, car jamais autant que, aujourd’hui, il est nécessaire de faire appel à la connaissance et l’expertise. Ce que nos représentants eux-mêmes n’ont pas forcément.
Nous sommes ainsi face à une extrême complexité que pratiquement personne n’évoque !
Pour les politiques Français c’est plus confortable. On constate au fil des années que notre pays régresse en termes de libertés ; mais c’est presque indolore… quoique… ça fait juste descendre des gilets jaunes dans la rue ! Ces derniers s’étant décrédibilisés par leur violence et leur incohérence, personne n’a été capable de porter le débat au bon niveau. Du coup, le mouvement perdure de façon chaotique et tout autant violent. Et continuera de façon continue ou discontinue, tant qu’une réponse adaptée ne sera pas apportée. Et que l’on ne se méprenne pas, cette réponse transcende leurs revendications ! Elle est au cœur du fonctionnement même de nos institutions, démocraties et de nos modèles économiques.
De façon surprenante les privations de liberté se poursuivent, y compris au niveau local… Lorsque je vois les choix des présidents d’agglomération de communes ou maires des grandes villes, quelle que soit la tendance politique, il y a de quoi être atterré !
Bref, de toute cette complexité, de l’accélération techno-scientifique, économique, nos démocraties risquent d’être mise à mal. Il serait temps de se poser les vraies questions, plutôt que d’apporter des réponses bricolées à chaque mouvement social.
Le sujet est d’une actualité brûlante lorsque l’on observe les mouvements sociaux et les votes populistes dans le monde.
Luc Marta de Andrade
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